portrait
Roger Boutry, une rencontre-podcast avec Marc Zisman sur Qobuz, cliquez



Roger Boutry est né à Paris le 27 février 1932. Issu d’une famille de musiciens (son père fut trombone solo et co-fondateur, aux côtés d’Inghelbrecht, de l’Orchestre National de France), il poursuit des études particulièrement brillantes au Conservatoire de Paris. Élève de Jean Doyen pour le piano et de Tony Aubin pour la composition, il étudie également avec Nadia Boulanger (accompagnement), Louis Fourestier (direction d’orchestre), Noël Gallon et Henri Challan (harmonie, fugue et contrepoint), Olivier Messiaen (analyse), et se voit décerner pas moins de huit premiers prix. Ce cursus sera couronné par un premier grand Prix de Rome en 1954.
Retracer la carrière de Roger Boutry, c’est revisiter à ses côtés un demi-siècle de vie musicale française. Pour peu qu’on soit parvenu à faire tomber les barrières que sa modestie naturelle, et certainement excessive, n’aura pas manqué de dresser au cours de la conversation, on pourra alors recueillir, par-delà la litanie des honneurs officiels∗, quelques éléments épars ou oubliés qui font, en réalité, toute la richesse d’une biographie.
Il n’est pas indifférent, par exemple, de savoir que le Prix de Rome lui fut attribué par un jury comprenant Arthur Honneger, Florent Schmitt et Paul Paray. On s’intéressera aussi aux encouragements prodigués alors par Louis Aubert. Par ailleurs, l’activité du compositeur et du professeur ne saurait occulter, aux côtés d’une importante carrière de chef d’orchestre, des dons de pianiste hors du commun. C’est ainsi qu’on apprendra, au détour d’une confidence, que c’est Inghelbrecht qui lui donna sa première chance en l’invitant à jouer les Variations symphoniques de Franck, qu’il se produisit en soliste sous la direction de Georges Enesco, Roger Desormière, André Cluytens, Pierre Dervaux, Pierre Monteux, Georges Prêtre et Jean Martinon, qu’il enregistra la version originale de la Rhapsody in blue, et même qu’il obtint un prix au tout premier concours Tchaïkovski de 1958.
En tant que chef d’orchestre, il fut invité à diriger régulièrement les grandes associations parisiennes (Colonne, Pasdeloup et Lamoureux), l’Orchestre National de France, l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, la Philharmonie du Luxembourg, l’Orchestre National de Belgique, le New Japan Orchestra, l’Orchestra Ensemble Kanazawa…
On sait enfin qu’il fut nommé en 1973, par un jury comprenant notamment Raymond Gallois-Montbrun et Henri Dutilleux, chef des orchestres de la Garde républicaine : un poste qu’il occupa jusqu’en 1997.
On retiendra de cette période des créations de Serge Nigg, de Raymond Loucheur, et l’exécution en la cathédrale Notre-Dame de Paris, d’« Et exspecto resurrectionem mortuorum » d’Olivier Messiaen.
On retiendra aussi quelques tournées prestigieuses : en Union Soviétique en 1973 (avec deux soirées mémorables à Moscou et Leningrad), et en Amérique en 1975, où Columbia avait organisé à l’occasion des fêtes de l’Indépendance une série de trente-quatre concerts, culminant avec une prestation au Carnegie Hall de New York. Il faut souligner aussi la tâche accomplie par Roger Boutry dans l’élargissement du répertoire pour orchestre d’harmonie, et les nombreuses orchestrations marquées par sa science de l’écriture pour instruments à vent. Une série d’enregistrements témoigne de cet héritage, dont un beau programme russe récompensé par un Grand Prix de l’Académie Charles Cros.
Enfin, on n’a pas oublié sa Marche pour les Jeux Olympiques d’hiver de Grenoble, en 1968, qui fut sélectionnée sur concours et qui laissa son empreinte sur cet événement de portée internationale.
Chargé d’orchestrer les fastes de l’Etat républicain, Roger Boutry a côtoyé quatre présidents dont l’intérêt porté à la musique était des plus variables. Quelques anecdotes savoureuses affleurent à la surface de la mémoire : la plus célèbre, et pas la moins pittoresque, étant « l’affaire de la Marseillaise ». On s’en souvient : le président Giscard d’Estaing, frappé par un mot de Goethe décrivant une exécution de notre chant national « belle comme un Te Deum » avait émis l’idée d’imposer un tempo ralenti, opérant ainsi la transposition d’une marche révolutionnaire en hymne élégiaque ! C’est ainsi que la version Boutry supplanta le temps d’un septennat - grandeur et servitude du dévouement à la chose publique - l’ancienne réalisation d’Ambroise Thomas.
Ces histoires, qui frôlent la grande Histoire sans s’y arrêter, ne sauraient laisser dans l’ombre la réalité d’un travail de plus de vingt années, qui fit des orchestres de la Garde républicaine un instrument de grande qualité, et qui ne manqua jamais de servir la musique avant toute chose.
La mission d’enseignant ne fut pas moins prégnante et elle s’étale, elle, sur plus de trente ans. C’est en 1962 que Raymond Loucheur, alors directeur du Conservatoire, demanda à Roger Boutry de prendre en main une classe d’harmonie. Ce dernier venait de passer deux ans en Algérie, victime, comme tous les jeunes gens de sa génération, d’une logique de guerre qui devait emporter définitivement les dernières illusions de l’empire colonial français. La main tendue de Loucheur à un jeune prix de Rome, que l’éloignement et la condition de soldat en campagne avaient bien failli briser durablement, fait partie des gestes qui ne furent jamais oubliés. Nul doute que ce fût aussi un choix judicieux car on doit, à ce jour, renoncer à dénombrer les élèves reconnaissant leur dette à l’égard de l’enseignement reçu : un enseignement qui s’inscrivait dans une tradition française n’ayant jamais fait mystère, depuis plus d’un siècle, de sa dilection particulière pour l’harmonie. Des personnalités aussi différentes que Xavier Delette, Philippe Brandeis, Naji Hakim, Chikako Oé ou Susumu Yoshida, témoignent volontiers de l’esprit qui régnait dans une classe ayant su concilier rigueur et ouverture. On mentionnera l’influence particulière exercée par Roger Boutry sur des musiciens asiatiques, qui se vérifie aujourd’hui par des invitations régulières à Taïwan et au Japon.
Il est remarquable que ces activités, dont chacune pourrait se suffire à elle-même, n’aient en rien limité la vocation du compositeur, et, de fait, un catalogue considérable (plus de soixante œuvres éditées chez Salabert, Billaudot, Combre, Chappell, Robert Martin, Eschig, Lafitan, Leduc…) témoigne d’une constance et d’une longévité exceptionnelles.
Biographie écrite par Alexis Galpérine.


Roger Boutry (born February 27th 1932 in Paris), composer, conductor, pianist and professor, is an eminent figure of the French post-war scene.  Since his First Grand Prize in Rome in 1954 through today, he has given countless concerts at the head of the best orchestras, not least in his function as conductor for the orchestras of the Republican Guard, not to mention his performances as a pianist under the direction of the greatest conductors of the time. (Roger Boutry even won a prize at the first Tchaikovsky competition in Moscow in 1958). It would be impossible to even keep track of the innumerable students who have participated in his harmony classes. In spite of these intense activities, it is remarkable to note that he has continued composing throughout with a current catalogue of 60 published works to his name.

Roger Boutry’s reputation speaks for itself in the art of writing for wind instruments. Less well known, but equally admirable, are his masterful compositions for strings;  his way of revisiting all forms and genres which are the glory of the violin with such evident pleasure, starting with his sonata with piano through to the solo sonata and including the short pieces and the rhapsody-poem of literary inspiration (Le songe d’Urashima).

SONGE, SONATES ET CROQUIS
1 - SONATE POUR VIOLON SEUL ( DéDIéE à PAUL AMBILLE) EN 3 MVT